Dix ans après le massacre de Bentalha : 73% des enfants ont vécu un traumatisme
Le 23 septembre 1997, l'Algérie s'est réveillée sur une horrible boucherie. Un groupe de terroristes s'est attaqué avec une violence inouïe aux habitants de Bentalha, situé entre Baraki et Sidi Moussa, à l'est de la capitale. Les témoignages des rares rescapés ont bouleversé le monde.
Dix ans plus tard, ceux qui ont survécu à cette tragédie continuent de souffrir du lourd traumatisme psychologique. Pour évaluer les séquelles post-traumatiques de ce drame, le centre de soins psychologiques de Bentalha, créé en début de 1998 par la Fondation nationale pour la promotion et le développement de la recherche (Forem), a fait le bilan d'une décennie de prise en charge.
L'évaluation de cette thérapie concerne 120 adultes et 413 adolescents et montre que 73% des enfants ont vécu un traumatisme entre 1995 et 2000. Pour 39% des cas, l'origine est liée à des actes terroristes, 28% des cas au décès du père (directement ou indirectement lié au terrorisme) et 26% des cas à l'assassinat du père. Il est important de relever que 54% de l'échantillon fréquentent toujours les collèges et 56% ont un âge moyen de 15 ans. Ces adolescents sont dans 62% des cas des orphelins de père et 9% de mère, et dans 91% des cas sont dans une extrême pauvreté et vivent grâce au programme d'aide dans le cadre du parrainage des orphelins (un millier d'orphelins ont été parrainés dans ce cadre). Les spécialistes ont montré que 51% des adolescents, soit 211, suivis au centre souffrent de post-traumatisme, dont 39% des cas sont dans une mauvaise situation, et 24% des cas ont une mauvaise estime de soi.
Pour ce qui est des 120 adultes pris en charge, les statistiques montrent que 47% présentent des traumatismes psychologiques dont la principale cause est dans 86% des cas la perte du mari. Il est également fait état de 46% des cas âgés entre 36 et 55 ans qui sont toujours atteints du stress post-traumatique et 83% de ces derniers sont des chômeurs. Des chiffres qui font très peur dans la mesure où ces enfants et adultes souffrent encore, dix ans après le massacre de Bentalha, de profonds traumatismes psychologiques, alors que parallèlement des milliers d'autres victimes n'ont pas eu la chance de consulter des psychologues. La prévalence de cette maladie due à un ou plusieurs traumatismes enregistre une moyenne inquiétante, indiquent les spécialistes, en rappelant que le ministère de la Santé l'a évaluée à plus de 20%, notamment dans les régions les plus touchées par le terrorisme comme Médéa, Aïn Defla, Relizane, Chlef et Saïda, alors que dans le monde, elle est comprise entre 1 et 9%.
Lors de ce colloque, un témoignage poignant d'une jeune fille, Djazia, ayant été grièvement blessée par l'explosion d'une bombe dans un bus à Sidi Moussa durant les années 1990. Djazia avait, il y a quelques années, témoigné dans un documentaire de feu Azzedine Meddour intitulé Douleur muette et consacré aux enfants victimes du terrorisme. Djazia, qui a décroché son bac cette année, déclare être sortie d'une longue et douloureuse épreuve grâce à la thérapie psychologique dont elle a bénéficié. D'autres jeunes ayant survécu au massacre sont pris en charge au centre de soins de Bentalha. Le professeur Khiati, président de la Forem, relève que la souffrance due à ces traumatismes est plus ressentie chez les adultes que chez les enfants, en précisant avoir enregistré deux cas de suicide parmi les malades traités, alors que la fréquence de ce mal est plus présente chez les jeunes, à raison de 51% des cas contre 47% chez les adultes. Pourtant, les adultes sont les plus nombreux à en souffrir avec 38% des cas qui ont une mauvaise estime de soi, contre 24% pour les adolescents. Peut-être parce que les adultes sont plus conscients du mal qui les ronge ou des événements qui détruisent une partie d'eux-mêmes. Les spécialistes ont appelé à la continuité dans la prise en charge et surtout sa généralisation à travers les autres régions du pays.
Salima Tlemçani
El Watan
24 septembre 2007