Algérie : Les établissements spécialisés débordent ...
Les «malades mentaux» rejetés par la société
Des personnes atteintes de maladies mentales, parfois dangereuses, continuent de parcourir, à longueur de journée et de nuit, les rues et ruelles d’Alger et d’autres grandes villes du pays, dans l’indifférence totale des autorités publiques. Elles menacent sérieusement la sécurité des citoyens mais aggravent aussi leur état mental faute d’un traitement psychiatrique adéquat.
Le nombre de malades mentaux est en croissance, en Algérie. D’aucuns ne peuvent nier cette vérité. C’est lié en partie à la violence de la décennie noire du terrorisme mais aussi aux conditions de vie, de plus en plus difficiles dans les foyers, dans le milieu professionnel… dans la société, tout simplement. Les raisons du stress, de l’angoisse, de la dépression et toutes autres formes de troubles psychiques -qui ne sont pas sans conséquences sur le physique- sont si nombreuses et si évidentes qu’il est impossible de faire semblant d’ignorer ces maladies et les personnes qui en sont atteintes. La santé mentale en Algérie est un problème à prendre très au sérieux, d’autant qu’il y a manque flagrant de structures spécialisées dans le domaine, c’est-à-dire la psychiatrie. Les établissements spécialisés en psychiatrie, à l’exemple des hôpitaux Frantz-Fanon, à Blida, Drid-Hocine, à Alger et celui d’Oued Aïssi à Tizi Ouzou, sont débordés de malades. La plupart construits pendant la période coloniale ou juste après l’indépendance, le nombre des places disponibles est de loin inférieur à la demande exprimée. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Les réformes du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière sont un fiasco en la matière. Durant la nuit, des équipes du Samu social font le tour de la ville d’Alger (et ailleurs dans le pays) et font en sorte de convaincre un maximum de SDF, dont justement ces «malades mentaux», de venir avec eux. Certains les accompagnent mais d’autres refusent l’offre, manifestant une grande agressivité envers ces équipes qui agissent, rappelons le, dans le cadre du travail social. Les autres s’installent dans les établissements gérés par ces équipes du Samu social ou autres représentants les services du département de la solidarité nationale mais pas pour longtemps. La plupart trouvent toujours le moyen d’en échapper pour une vie qu’ils considèrent la leur. Une vie d’errance, un danger pour eux-même et pour les simples citoyens. Depuis le temps que les différents départements ministériels promettent des solutions pour venir à bout de ce problème, rien ne vient. Bien au contraire, ça va de mal en pis et le nombre des malades mentaux nne cesse d’augmenter.
03-8-13
La Tribune
Par Karima Mokrani
Constantine : L’Etablissement hospitalier spécialisé psychiatrique de Djebel Ouahch (EHS) débordé
Le Chu Dr Benbadis gère délicatement les cas urgents des wilayas limitrophes en raison des multiples transferts qui s’effectuent au quotidien. L’hôpital psychiatrique de Djebel Ouahch –du même rang-autonome depuis 1988 subit la même pression avec des placements d’office paraphés par des structures de soins pourtant étrangères à la spécialité. C’est ce que dénonce la corporation médicale au niveau de la structure. Le même scénario se répète depuis des années. L’EHS suffoque en solo devant la courbe des malades, grandissante. «Le plus grand nombre émane de la wilaya d’Oum El Bouaghi qui ne dispose pas de centre adéquat et donc ses patients sont admis ici en notre structure», nous confiera un cadre à l’administration. Nos tentatives d’obtenir des statistiques fiables sur le nombre exact séjournant en cet EHS sont restées vaines. Il faudra suivre la voie hiérarchique. Le directeur par intérim avait un boulot à l’extérieur et le secrétariat ne pouvait prendre seul la décision de nous fournir des données somme toute basique. Peu importe ! Lorsque l’on sait que la capacité de la structure est de près de 240 lits et que la fréquence des consultations avec des allers retours s’opèrent à longueur d’année. La santé mentale des Algériens on ne peut mieux va mal ! Des spécialistes le confirment à chaque occasion pour alerter sur le sujet et interpeller les pouvoirs publics à revoir la stratégie de lutte. A commencer par l’implantation judicieuse d’hôpitaux du genre apte à accueillir et soigner. Sachant que la spécialisation fait grand défaut dans la plupart des villes de l’intérieur sinon «ce sont toutes les wilayas de l’Est qui sollicitent cet EHS», accentue un médecin. Autrement dit le ratio propre à la spécialisation ne semble pas être respecté malgré les réformes engagées dans le secteur de la santé. Certains malades disparaissent faute d’un suivi adéquat ou d’un relâchement de la part de leur famille quant au traitement prodigué par les praticiens. La maladie mentale est en croissance. Mais en face le progrès médical apporte des solutions efficientes. A condition que le patient s’astreigne au traitement qui lui est prescrit. Malheureusement les ruelles et boulevards de Constantine illustrent la face cachée des maladies mentales. Des personnes SDF malades, et dangereux de surcroit, sillonnent les artères sans savoir où aller. L’implication des services sociaux de la wilaya qui concourent à placer cette frange dans des centres demeure insuffisante. Notamment en été période où la fréquence des rotations affiche son bas degré. «La direction de l’action sociale est sollicitée pour alléger le malaise des malades et c’est le cas pour la société civile puisque la guérison progressive est tributaire du comportement social à leur encontre», souligne la même source. Et d’étayer que la maladie associe «un substratum organique auquel s’ajoutent des facteurs sociaux déclencheurs. Pas facile de faire embarquer des aliénés sans les traiter ou les héberger dans des conditions thérapeutiques adaptées. «D’une simple rotation on pourra récupérer autant de malades. Néanmoins la difficulté réside dans l’incapacité de les prendre tous en charge faute de centre d’accueil», explique une source auprès de l’action sociale. Un manque de structures qui tarde à voir le jour en Algérie en dépit des assurances léguées par les divers départements ministériels de la Santé et de la Réforme hospitalière. Parmi les symptômes fréquents les spécialistes font état des cas dépressifs et d’angoisse et une grande partie de schizophrènes. Sans oublier les cas sociaux. Néanmoins la décennie noire du pays aura engendré autant de désagrément. Tandis que des psychologues et psychiatres n’écartent pas l’aspect relatif à la violence au quotidien qui pourrait générer des cas insurmontable. «La vie dans la société doit être un exemple. Elle ne doit pas renfermer des signes de violence», ajouteront-ils. En définitive l’EHS de Djebel Ouahch poursuit son rôle de guérisseur incontournable avec sa vingtaine de spécialistes et sa pléiade de résidents et d’hospitalo-universitaires. En attendant l’élargissement et la régulation de la branche médicale spécialisée, c’est-à-dire la psychiatrie, à toutes les régions du pays.
La Tribune
Nasser Hannachi