Deuxième rencontre nationale de psychiatrie privée à Béjaïa : « 70% des dépressifs peuvent aller jusqu'au suicide »
Constituant un prolongement de la 1re Rencontre consacrée au suicide, il y a deux années de cela, la 2ème Rencontre nationale de psychiatrie d'exercice privé, ayant eu lieu jeudi dernier à l'auditorium de l'université Abderahmane Mira de Béjaïa, a traité le thème des aspects actuels de la dépression en Algérie. «Le choix de ce thème s'explique par le fait que la dépression constitue aujourd'hui un problème de santé publique en Algérie», explique de prime abord le docteur Bouchene Farid, président de l'Association algérienne des psychiatres d'exercice privé. Il ajoutera que la fréquence des cas de dépression commence à devenir important en Algérie, en raison de la multiplication de facteurs liés à des événements traumatisants : bouleversements socio-économiques, répercussions du séisme de Boumerdès, inondations de Bab El Oued, terrorisme durant la décennie noire... «La dépression est également plus importante parmi les personnes de faible niveau social», a-t-il encore révélé comme pour insister sur la gravité de l'expansion de cette maladie, d'autant que «70% des dépressifs peuvent aller jusqu'au suicide», prévient notre interlocuteur.
Cette situation est malheureusement aggravée par l'extrême insuffisance de structures sanitaires et de psychiatres. Sur le plan national, il n'y aurait que 600 psychiatres exerçant dans les secteurs public et privé, inégalement répartis d'ailleurs. Ce chiffre est très minime, d'autant que les départs à l'étranger sont de plus en plus fréquents. Dans ce sillage, le docteur Lalouche a évoqué le cas de la clinique psychiatrique de Tizi Ouzou, la seule existante pour toute la Kabylie, la wilaya de Boumerdès y compris. «Une seule clinique pour une population de 5 millions d'habitants», se désole-t-il.
Mais au lieu de se décourager devant la multiplication des difficultés, le Dr Bouchène considère qu'il y a lieu de mener un travail de sensibilisation et de vulgarisation de la psychiatrie pour faire admettre que celle-ci n'est pas «la médecine des fous», car il reconnaîtra que 50% des dépressifs préfèrent consulter le taleb ou le derviche avant de recourir en fin de parcours au psychiatre, «le dernier maillon de la chaîne.»
Par ailleurs, notre interlocuteur nous confiera que pour faire face à la hausse du nombre de dépressifs en Algérie, il sera question d'élaboration d'un programme national de lutte contre la dépression, et qu'une structure autonome, le centre de santé mentale, regroupant des spécialistes pluridisciplinaires, est, d'ores et déjà, mis en place.
Le Dr Sfacene, membre de l'Amicale des psychiatres de Béjaïa, nouvellement créée et partie prenante de l'organisation de cette 2ème Rencontre, a fait état de l'absence d'un hôpital de psychiatrie à Béjaïa et d'un centre de séjour pour accueillir les dépressifs en voie de guérison. «La psychiatrie est le parent pauvre de la médecine en Algérie», dit-il. Il ajoutera qu'avec sa nouvelle association, un grand travail de sensibilisation sera accompli en direction de la population dans le but de valoriser la thérapie psychiatrique qui reste encore en proie aux préjugés sociaux. Il indiquera par ailleurs, qu'une formation pratique sera dispensée aux jeunes psychiatres au niveau de l'université de Béjaïa, car «souvent, il ne connaissent pas bien la réalité des troubles psychiques», avoue le Dr Sfacene.
Enfin, il importe de souligner que les travaux des ateliers ont consisté à promouvoir les nouvelles techniques thérapeutiques concernant la prise en charge des dépressifs.
Par Kader Sadji
La Tribune
26 mars 2006