Prise en charge des drogués en milieu carcéral : la prison subit la toxicomanie
Les travaux du séminaire consacré à la prise en charge des détenus toxicomanes en milieu carcéral, ont pris fin hier avec l'adoption de plusieurs recommandations devant servir de base à la stratégie de lutte contre ce fléau.
Les participants à cette rencontre de deux jours, organisée par l'administration pénitentiaire en collaboration avec l'Unicef, ont insisté sur la nécessité du renforcement des structures de prise en charge des détenus toxicomanes non seulement à l'intérieur des établissements pénitentiaires, mais également à l'extérieur, pour permettre le suivi des détenus une fois libérés. Après un riche débat au niveau des trois ateliers techniques, les conférenciers, parmi lesquels se trouvaient des experts belges et français ont été unanimes à relever l'importance des campagnes médiatiques de sensibilisation sur les dangers de la drogue, mais aussi sur l'urgence d'une stratégie de développement des infrastructures socio-culturelles et sportives destinées aux jeunes.
L'atelier consacré aux facteurs qui poussent les jeunes à se droguer, a clôturé ses travaux avec six propositions : l'interpellation des familles pour les sensibiliser sur le rôle social qu'elles doivent assumer, la maîtrise de l'expansion urbanistique dans le but de promouvoir l'équilibre régional dans le développement, le renforcement des mécanismes d'orientation sociale et éducative, la prise en charge des jeunes exclus du système éducatif à travers la multiplication des chances de formation professionnelle, la promotion de la prévention dans les milieux éducatifs et les médias, l'unification des efforts du mouvement associatif et des infrastructures étatiques dans la prévention, le renforcement des cellules d'écoute dans les établissements pénitentiaires et à l'extérieur, dans les centres hospitaliers, l'installation rapide d'équipes médicales pluridisciplinaires pour recevoir, écouter, orienter et traiter les toxicomanes que ce soit au niveau des prisons ou à l'extérieur et, enfin, la nécessité de contrôler plus sévèrement les réseaux de distribution des psychotropes à travers une réglementation plus répressive. Les participants au deuxième atelier consacré à la prise en charge des toxicomanes en milieu carcéral, ont pour leur part appelé à une formation spécialisée pour les psychologues, psychiatres, éducateurs, infirmiers et assistants sociaux, la création d'équipes pluridisciplinaires agissant dans les prisons, coordonner les efforts entre les équipes de prise en charge en milieu carcéral et celles se trouvant à l'extérieur pour permettre la continuité du traitement du détenu toxicomane, la création d'espaces d'activité culturelle, sportive et éducative dans les prisons et enfin la création de cellules pluridisciplinaires de coordination, de suivi et d'évaluation des détenus toxicomanes.
Les conférenciers ayant participé au débat sur les moyens et mécanismes de réinsertion sociale des détenus drogués, ont pour leur part insisté sur le renforcement de la coordination entre les secteurs de la justice, la santé et l'éducation pour faire face à la délinquance juvénile et assurer une meilleure prise en charge des détenus toxicomanes, le développement des structures d'accueil pour les détenus malades une fois libérés, la nécessité de coordonner les efforts entre l'administration pénitentiaire et la santé pour le suivi du traitement du détenu une fois à l'extérieur de la prison et l'encouragement de la recherche scientifique dans le but de trouver de nouveaux moyens de lutte et éviter le recours aux psychotropes. Ce sont là les principales recommandations remises à l'administration pénitentiaire à la fin des travaux du séminaire. Mokhtar Fellioune, directeur général de l'administration a déclaré à la fin du séminaire que ces recommandations vont servir de base de travail dans la stratégie de prise en charge des détenus toxicomanes, en relevant toutefois, que la lutte contre ce fléau n'est pas uniquement du ressort de l'administration pénitentiaire qui le subit de plein fouet, mais de toute la société.
« Nous sommes face à un grave problème de santé publique, un phénomène ravageur qui se propage rapidement en détruisant les franges les plus jeunes. Il est donc urgent de mettre en place un dispositif pour lutter contre ce fléau, sensibiliser les jeunes non seulement contre ses conséquences sur leur santé, mais aussi le risque pénal qu'ils encourent. C'est un grand défi que nous ne pouvons réaliser que si la société civile, les spécialistes et les structures concernées conjuguent leurs efforts pour combattre toutes les formes de toxicomanie... », a conclu M. Fellioune avant de clore le séminaire. Reste à savoir si ces recommandations vont être concrétisées sur le terrain ou tout simplement remises aux calendes grecs comme cela a été le cas pour les nombreuses autres qui les ont précédées.
Salima Tlemçani
El Watan
15 novembre 2006