Septièmes journées de psychiatrie à Annaba

400 millions de malades mentaux dans le monde

N'étaient les interventions des professeurs Moron et Boudef ainsi que celle de Mme Casadebaig, du Groupe d'étude de prévention de suicide (GEPS), la 7e édition des journées de psychiatrie organisée à Annaba les 2 et 3 octobre 2002 serait passée inaperçue.

Venu de France à l'invitation de ses pairs algériens, le Pr Moron avait dû, à maintes reprises, solliciter les participants à cette rencontre pour qu'ils le questionnent et débattent sur le thème qu'il avait traité dans sa communication. Principalement axée sur le suicide dans les pays développés, cette dernière comportait de nombreuses situations vécues.

«La façon avec laquelle est décrit l'acte du suicide par les médias est subversive. Elle l'est particulièrement en milieu juvénile où les tentatives de suicide sont devenues presque habituelles. C'est la conclusion majeure à laquelle je suis arrivé après 40 ans de carrière et 12 000 tentatives de suicide traitées.» Contrairement aux autres intervenants, ce psychiatre avait présenté à l'appui de ses affirmations des exemples frappants touchant principalement des jeunes de 15 à 24 ans.«En médiatisant les cas de suicide et en l'absence de soutien psychologique en milieux environnants, ces jeunes considèrent le suicide comme mode de choix de fin de vie, c'est-à-dire qu'ils décident de vivre autrement», a précisé le Pr Moron se référant à des études qui lui ont permis de déterminer que les modes les plus usités restent la pendaison et l'empoisonnement par les médicaments. Pour illustrer ses affirmations, il a précisé : «En Europe et au Japon, ces jeunes choisissent de mourir de la même manière que leurs idoles acteurs et artistes. C'est la contagiosité de la crise suicidaire.
Dans les pays du Tiers-monde, le suicide est imputé aux problèmes sociaux et à la mauvaise prise en charge psychologique des sujets présentant des crises suicidaires polymorphes. Il existe le suicidaire, le suicidé, le suicidant, le para suicidaire, où l'on note la non-gravité du geste suicidaire, un tout nouveau lexique de la psychiatrie». Spécialisée dans la prévention des suicides, Mme Casadebaig a axé son intervention sur des études effectuées pendant une dizaine d'années sur les suicides en milieu schizophrène de 15 % supérieur à celui des populations normales. Argumentant l'absence, en Europe et dans le Tiers-monde de statistiques fiables sur le nombre de suicide, elle a souligné la nécessité de multiplier les centres et instituts médico-légaux.«Suivies par l'administration de l'état civil lors de l'établissement de l'acte de décès qui doit comporter la cause, ces structures peuvent être d'un grand apport», a-t-elle dit.
Comme pour lui répondre, la représentante du centre médico-psychiatrique (CMP) de Annaba a précisé que depuis l'ouverture du CMP Annaba en 2000 et jusqu'à 2002, 167 tentatives de suicide ont été enregistrées. Si le suicide atteint 72,47 % chez les femmes, cela est dû à des troubles anxieux. Sur ce thème «Suicide», les psychiatres algériens tunisiens et marocains sont restés étrangement silencieux comme s'il s'agissait d'une question relevant du secret d'Etat. Leur silence fut quelque peu brisé par l'intervention d'un de leurs confrères algériens de l'hôpital militaire de Constantine. Ce psychiatre a abordé une analyse sur l'intentionnalité et les divergences américaines et européennes sur la relation du niveau de vie et le phénomène du suicide. Selon les dernières statistiques officielles de l'OMS, 400 millions de malades mentaux sont dénombrés dans le monde. Rappelons que l'année 2001 a été décrétée «Année de la santé mentale» par l'OMS.

El Watan
10/10/02