CRA: les enfants de la meurtrissure
Parmi les 349 patients traités tout au long de l'année par l'équipe de psychologues du centre de santé du CRA, 253 sont âgés entre 4 et 20 ans et dans cette tranche d'âge particulièrement vulnérable, 139 sont de sexe féminin.
A des degrés divers, mais tout autant pathétiques les uns que les autres, les cas traités en consultation ou en thérapie individuelle font ressortir des psychotraumatismes, dont l'origine est le plus souvent lié aux séquelles du terrorisme.Nesrine était à peine âgée de 12 ans quand son frère aîné est assassiné et son père enlevé par les hordes terroristes près du domicile familial, dans le quartier chaud de Benchergui. Elle ne s'en est jamais remise. Plusieurs tentatives de suicide, des fugues répétées et des troubles qu'elle traîne comme un boulet. Angoisses, asthénie, tendances suicidaires, troubles psychosomatiques... Amina, 22 ans, a vécu le même drame traumatisant. Elle attend toujours son père enlevé par des terroristes à la cité Ameziane. Elle n'accepte pas le fait accompli et refuse l'idée qu'il soit mort. Amina avait 11 ans au moment des faits et aujourd'hui elle souffre des mêmes troubles que Nesrine. La psychologue en charge de ces deux cas fonde cependant de gros espoirs quant à l'amélioration de leur tableau clinique qui laisse espérer que, dans quelques mois, elles seraient en mesure de sortir la tête de l'eau et surmonter leurs traumatismes. Sif Eddine, 14 ans aujourd'hui, n'arrive toujours pas à se sortir de l'expérience traumatisante qu'il a vécue à l'âge de 3 ans au domicile familial situé à Kef Salah, dans la commune de Didouche Mourad. Un âge, nous dit la psychologue chargée de son cas, où les mécanismes de sécurité ne fonctionnent pas encore. Son père était un terroriste recherché par les forces de sécurité et, de ce fait, le domicile familial était régulièrement ratissé par les forces de sécurité. En plus d'avoir perdu son père et d'être rejeté par ses cousins, ces expériences traumatisantes ont laissé en lui de profondes séquelles. Difficultés de communication, anxiété, troubles du sommeil, énurésie et un important retard scolaire. A 14 ans, il fréquente la 5e année primaire, ce qui accentue davantage encore son repli sur soi. A son écoute depuis trois mois, sa psychologue espère avec le temps instaurer une relation de confiance qui pourrait briser la glace et faire reculer les troubles, dont il souffre
El Watan
12 février 2006