SUICIDE - LE PROFESSEUR RIDOUH : «Il nous faut un observatoire»
Le phénomène de plus en plus présent du suicide qui commence à s'installer manifestement en Algérie, est conjoncturel et structurel à la fois, nous explique le professeur Ridouh, directeur du service de psychiatrie au CHU Frantz-Fanon à Blida et également connu pour ses travaux sur les maladies mentales. Le suicide en tant que phénomène social se développe de façon notable dans les périodes de paix, intervenant après une crise économique aiguë ou une guerre prolongée, note-t-il, pour trouver une justification à la montée du nombre de suicides chez nous. Historiquement parlant, les deux guerres mondiales et la crise économique de 1929 avaient été suivies en Europe, aux USA et au Japon, par une résurgence du suicide dans les couches défavorisées et chez les jeunes. Aussi, il est normal que l'Algérie, qui vient de sortir d'une longue décennie de terrorisme et de violence, accuse le coup en ce moment.
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L'autre facteur qui encourage ce phénomène destructeur pour la personne humaine est lié aux transformations de la société algérienne et aux changements des moeurs et habitudes de vie et de comportement. L'Algérien est de plus en plus influencé par les modes de vie venant de l'Occident par le biais de contacts directs ou par l'effet des médias et autres moyens de communication dans lesquels l'individu peine à trouver son équilibre social et psychique.
Dans le premier comme dans le deuxième cas, les causes principales demeurent la solitude et la fragilisation de l'individu, qui le conduisent à se donner la mort dans des moments de désespoir. Pour le professeur Ridouh, ce sont les catégories d'adolescents de moins de 16 ans et des gens âgés qui sont les plus visées par ces deux maux. Le suicide qui frappe les intellectuels, les artistes, les hommes politiques, s'il fait beaucoup de bruit, est toutefois minime par rapport à ce que vit la société profonde de par ses diversités et ses particularités. C'est le premier genre évoqué de suicide parce que très répandu et important en nombre, qui préoccupe le plus les spécialistes en vue de lui trouver des moyens de prévention efficaces et appropriés.
Tout ce qui encourage à éliminer les causes de la solitude et de la fragilité est le bienvenu et ce, en préservant et en promouvant les valeurs de convivialité, d'entraide et de solidarité que ce soit dans le cadre familial ou associatif. Le professeur cite l'exemple de l'élan spontané, rapide et conséquent de solidarité des Algériens, lors des inondations de Bab El Oued et le séisme de Boumerdès. Il a été d'une aide appréciable et louable pour le moral des populations touchées en contribuant à surmonter leurs difficultés et leur détresse.
Le professeur conclut son entretien en lançant un appel pour la création d'un observatoire d'épidémiologie chargé de suivre de près le phénomène du suicide et fournir les données essentielles pouvant aider à le prendre en charge convenablement, notamment dans le volet prévention. En l'absence de statistiques fiables sur le nombre des suicides et les causes, il est difficile de cerner ce phénomène, dira-t-il.
Smaïl BOUDECHICHE
L'Expression
6 avril 2006
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