Recrudescence de suicides en Algérie

Le Monde.fr |

Selon un édito d'ElWatan, quotidien de référence dans le pays, le nombre de jeunes Algériens tentant de s'immoler prend des proportions tout à fait inquiétantes.

 

Le dernier drame a eu lieu le 26 janvier, sur un marché de Tiaret, une ville à 340 km à l'ouest d'Alger. Hicham Gacem se voit empêcher d'installer, comme à son habitude, son étal de lunettes. Desespéré, le jeune homme de 22 ans s'asperge d'essence qu'il enflamme. Hospitalisé à l'hôpital d'Oran, il succombe à ses brûlures quatre jours plus tard. Ses funérailles ont donné lieu à de violents affrontements : des centaines de jeunes ont lancé des pierres sur la police, qui a riposté en tirant des grenades lacrymogènes.

Selon le quotidien algérien arabophone El Khabar, au moins 30 personnes ont été blessées dont plusieurs policiers. Plusieurs édifices publics ont été également saccagés et les violences se sont étendues mercredi aux localités voisines, où des jeunes ont bloqué plusieurs routes.

Depuis décembre 2010, date du suicide par le feu du jeune Tunisien qui a provoqué la première révolution du printemps arabe, les tentatives d'immolation se sont multipliées dans le Maghreb et particulièrement en Algérie. La presse algérienne a comptabilisé plusieurs dizaines de tentatives dont plusieurs parmi des adolescents et dont un nombre indéterminé ont été mortelles. Selon la presse locale, 45 tentatives d'immolation par le feu qui se sont soldées par 43 décès ont par exemple été enregistrées en 2011 rien qu'au CHU d'Oran.

Le désespoir de ces jeunes, qui décident de faire de leur suicide un acte ultime de protestation, résulte d'une double fracture sociale : "L'une entre les 'privilégiés' et les laissés-pour-compte, écrit Reda Bekkat dans son éditorial d'El Watan. La seconde, plus générationnelle, oppose toujours les décideurs à la majeure partie de la population qui, il faut le reconnaître, aujourd'hui, a moins de 30 ans, alors que les gouvernants constituent une véritable gérontocratie où la moyenne d'âge dépasse allégrement 50 ans. Résultat : on a affaire à un pouvoir autoritaire, autiste, indifférent aux doléances et attentes des citoyens et aggravant par la même cette double fracture sociale." L'éditorialiste conclut en ces termes : "Tant que la nature du pouvoir n'aura pas changé, le pire est toujours à craindre.".